"L’ignorance de la Réalité, c’est prendre l’impermanent, l’impur, le malheur, ce qui n’est pas le Soi, pour le permanent, le pur, le bonheur, le Soi." (Yoga-Sûtras)
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ORIGINE : Le premier grand courant d'enseignement traditionnel du Yoga trouve son inspiration dans l’ancienne philosophie du Sâmkhya. Le sage Kapila qui passe pour être le fondateur du Sâmkhya, s'inscrit lui-même dans une lignée beaucoup plus lointaine de yogins, ayant des origines communes avec le Bouddhisme et le Jaïnisme. C’est peut-être une des premières tentatives d’explication rationnelle et méthodique de l’univers, malgré l’absence de textes antérieurs à la période des Upanishads récentes. L’importante Sâmkhya-kârikâ d’Ishvarakrishna fut composée au milieu du Ve siècle de notre ère et les Sâmkhya- pravacana-Sûtras ne datent que du XIVe siècle.
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LA DOCTRINE : Cette philosophie dualiste et athée, oppose deux principes fondamentaux entre eux : Purusha (le Soi, la Conscience) et Prakriti (la Nature, l’Energie). Pour le Sâmkhya, la monade spirituelle (le Soi) qui existe en nombre infini dans l’univers, est comme emprisonnée par la matière. Elle (la monade spirituelle) est une « Pure Lumière Eternelle», pleine de félicité, dénuée de toute particularité, sans aucun attachement, totalement libre et indépendante. Pour le Sâmkhya le monde est réel (à la différence du Védanta), mais est en proie à la nescience (état d’ignorance spirituelle). Cette nescience est à l’origine de la souffrance, qu’elle soit physique, émotionnelle ou mentale et perpétue le cycle des réincarnations (samsara), condition pénible et transitoire de notre être. La prise de conscience de cette insatisfaction permanente (« tout est souffrance pour le sage » : Yoga-Sûtras II.15), conduira le jîva (l’expérimentateur individuel) à prendre du recul par rapport à l’ensemble de la création et à poursuivre une ascèse individuelle. Tout le travail du yogin consistera alors, pour ce courant philosophique, à dégager le Soi de l’emprise du non-Soi et à réaliser un état d’isolement total appelé samâdhi (recueillement) ou moksha Libération). Cette Libération finale mettra fin au processus du karma (action dans le monde) et ouvrira les portes du Nirvâna (dissolution définitive de l’être individuel).
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L'ENSEIGNEMENT : Patanjali (200 ? avant J.C.) codifia cet enseignement, dans son célèbre ouvrage les Yoga-Sûtras et "l’immortalisa" par là même. Tout en conservant les deux grands principes de base du Sâmkhya (Purusha et Prakriti), Patanjali y introduira la dimension nouvelle d'Ishvara (le Seigneur), désigné par le mantra AUM et la possibilité pour le yogin de se réaliser en s'abandonnant à la Volonté Divine. Cette dimension nouvelle, encore à l'ébauche dans les Yoga-Sûtras, trouvera ultérieurement son plein épanouissement dans le Bhakti-yoga (Yoga de la dévotion). Pour le Sâmkhya-Yoga (ou Râja-Yoga) cinq « empêchements » font obstacles à la Libération finale de l’homme : l’ignorance (avidyâ), le sens de l’ego (asmitâ), l’attirance (râga), la répulsion (dvesa) et l’attachement à la vie (abhiniveca). Quand ces cinq « empêchements » auront été vaincus, par la pratique de la concentration et la méditation, il s’ensuivra automatiquement pour le yogin, la disparition définitive de l’attrait du monde et l’entrée dans le Nirbîja Samâdhi (Samâdhi sans graines).