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Les Shiva sûtras font partis des textes révélés du Shivaïsme du Cachemire. C’est le sage Vasuguptacharya qui les retransmit au IXe siècle. (commentaires de Swâmi Muktananda)
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(1/1) - L'Atman est Pure Conscience.
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« L'Atman est ce qui se révèle Lui-même et qui révèle tout ce qui existe dans l'univers. Il est totalement libre dans ses actions et ses perceptions : son essence profonde est la Conscience. De tout temps, en tous lieux et en toutes circonstances, l'Atman est toujours le même. Partout Il entend, Il voit, saisit, marche, donne et prend uniquement grâce à la Conscience. Il existe en tout et Il est cependant différent de tout. Il se trouve en chacun mais n'est l'ami de personne. Il vit dans la plus grande des libertés et sature l'univers de Conscience. Il est la Conscience. [...] La nature même de la Conscience est de se déployer et c'est la raison pour laquelle l'univers est appelé l'expansion extérieure de la Conscience. Comme d'innombrables étincelles jaillissent d'un brasier et y retombent librement, d'innombrables univers se créent et se fondent dans l'Atman. Au cœur de l'apparition et de la disparition des mondes, l'Atman reste toujours serein et immuable. Il est la félicité parfaite, Celui qui se trouve en tout ; Il est Pure Conscience […] »
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(1/2) - La connaissance (extérieure) est servitude.
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« Aussi étrange que cela puisse paraître, cet aphorisme est parfaitement vrai. Nos états intérieurs - repli sur soi ou épanouissement, joie ou peine, anxiété ou ignorance - ne sont que des réactions aux stimuli appropriés. La connaissance du monde extérieur est la source de tous les tourments, quand elle s'infiltre si profondément dans l'individu, qu'il finit par s'identifier à elle. [...] Quand nous nous identifions à notre corps, à notre condition et à nos titres, alors l'orgueil de la famille, de la caste et de la personnalité éclipse notre nature intérieure et c'est la servitude. Nos conceptions du péché et de la vertu, notre identification aux corps physique et subtil nous éloignent de notre vrai Soi. Passer sa vie sans s'intéresser au Soi, et prendre son ignorance pour du savoir n'est qu'esclavage ; c'est la cause de tous nos maux. […] »
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(1/5) - L'effort lui-même est Bhairava.
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« S'efforcer de rester constamment absorbé dans la réalisation du Soi intérieur dès qu'on a découvert la nature de la Réalité suprême - voilà en quoi consiste le véritable effort. [...] On s'établit fermement dans le Soi en comprenant que toutes les pensées qui jaillissent de l'intérieur et se manifestent au travers des mots ne sont que des vibrations de Parashakti. »
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(1/7) - On peut expérimenter la béatitude de turiya (le quatrième état ou état transcendantal) dans les trois autres états - veille, rêve et sommeil profond.
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« […] Dans turiya, on goûte à la plus haute félicité. Mais le véritable jnâni goûte également à l'extase du Samâdhi, la joie de la manifestation, dans l'état de veille : il voit le monde entier comme l'expansion de la même Citi. Il sait, pour en avoir eu l'expérience directe, que dans tous les états, qu'ils naissent l'un de l'autre ou se fondent l'un dans l'autre, le Soi-témoin reste toujours pur, indifférencié, inaffecté, inchangé, sans naissance ni repos. Parfait dans sa méditation et béni par son Guru, un tel jnâni jouit perpétuellement de la même béatitude de turiya quel que soit l'état dans lequel il se trouve - veille, rêve ou sommeil profond. Il éprouve bien sûr une paix immense en méditation mais il reste également libre de toute inquiétude en se plongeant dans les affaires du monde, car il goûte continuellement cette félicité qui est en lui. L'univers entier est en lui et il n'y a rien à quoi il puisse renoncer, rien qu'il puisse acquérir par la méditation. […] »
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(1/8) - La Connaissance est l'Eveil.
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« Celui dont la Kundalini est endormie est enveloppé de ténèbres. Il n'est pas véritablement éveillé, éveillé au Soi intérieur. Même en menant une vie très active et parfaitement organisée, il est endormi car il n'est pas conscient du magnifique royaume de Citi qui se trouve dans son cœur, ni de la vraie nature du monde extérieur. […] Est véritablement éveillé celui qui a évolué de sa condition limitée à la liberté, de son ignorance à la Connaissance, et qui a banni à jamais de son esprit la distinction illusoire entre matière et Conscience. Il est submergé par la béatitude de la réalisation de l'unité. Pour lui, il n'y a plus ni un, ni deux, ni mille ; ni matière ni Conscience ; ni commencement ni fin ; ni jiva, ni Shiva ; ni dieux, ni déesses. Noms et formes se dissolvent dans l'océan de la Conscience et il devient lui-même Conscience. Il transcende l'action et le devenir. Il est Shiva l’Etre le plus pur. C’est l’éveil de la Connaissance qu’accorde la grâce du Guru. […] »
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(1/11) - Shiva, le Seigneur Suprême, est celui qui fait l'expérience des trois états.
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« […] Le Soi est le témoin de ces états et comme témoin, Il y goûte sans subir la moindre altération. Il est assurément Parashiva, le Seigneur Suprême. Dans l'état de veille Il agit dans le corps physique et expérimente les objets matériels au travers des cinq organes de perception, des cinq organes d'action, des cinq formes de prâna et des quatre instruments psychiques. Il expérimente également le monde subtil du rêve et dans le sommeil profond, l'oubli sans rêves empli de joie : ce Soi n'est autre que Parashiva. Parashiva est véritablement celui qui fait l’expérience des différents états. [...] Percevant et perçu sont deux aspects de la même Conscience. La véritable relation entre les sens et leurs objets a été décrite par un poète qui dit que les sens perçoivent leurs objets respectifs, en jouissent et agissent sur eux. Shiva est l'expérience et Shiva est l'expérimenté : une telle compréhension établit dans la Conscience de l'Unité. Celui qui se plonge dans le Soi intérieur, riche de cette connaissance et l'esprit en paix devient Dieu. »
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(1/13) - Le pouvoir de volonté est la jeune Uma.
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« […] Le Siddha est celui qui en s'immergeant dans la Volonté Divine, est devenu totalement libre, qui vit et agit sans la moindre contrainte. Pour ce Maître du Yoga qui peut appréhender n'importe quel domaine sans aucune difficulté, il n'est rien qui ne soit son propre Soi. Sa volonté est aussi la jeune Uma et Elle est réellement l'univers entier. »
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(1/16) - On atteint le pouvoir divin en réalisant l'Etre pur.
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« […] Jnaneshwar dit dans le Jnaneshwari, que seul le sage peut voir l'argile dans la poterie sans avoir à réduire celle-ci en poussière ; de même, le Soi est réalisé sans qu'il soit nécessaire de rejeter le monde ou de le fuir : c'est la réalisation de l'Etre pur grâce à laquelle on devient le Maître suprême, le Seigneur. Celui qui veut méditer sur l'Etre pur devrait méditer sur Parashiva qui sature tout de façon égale, l'intérieur comme l'extérieur. Qu'il médite sur l'univers extérieur, en considérant dans celui-ci la moindre particule, animée ou inanimée, comme Pure Conscience – car la Conscience qui resplendit dans son cœur, mais aussi son corps et ses sens, sont l’unique et même Chiti. [...] S'il pouvait considérer la multitude d'images qui naissent continuellement de son esprit comme rien d'autre que des créations de l'esprit, alors il serait libre. Comme l'univers fait de Conscience est Pure Conscience, que des poteries d'argile ne sont que de l'argile et que les bijoux d'or restent toujours de l'or, cette fantasmagorie de pensées et d'imaginations innombrables n'est autre que l'esprit ; et l'esprit est une vibration de Chiti. Il trouvera la paix dans cette juste vision des choses. […] »
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(1/17) - Vitarka est la connaissance de l'Etre pur.
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« […] Le Seigneur originel, le premier Guru, nomme vitarka « la perception de l'Unité fondamentale des multiples formes apparentes qui constituent le monde ». Le corps, le prâna et les sens peuvent sembler différents les uns des autres, mais en fait, ils sont Un avec la Conscience. Dieu est dans l'univers à la fois krama et akrama ; on devrait toujours se le rappeler. Krama est Dieu en tant qu'univers organisé et systématique des formes. Akrama est Dieu qui pénètre toute chose, de façon égale, partout, sans subir aucun changement. Parashiva, le Seigneur Suprême, assume donc d'innombrables formes et manifestations en suivant une évolution (krama), tout en conservant son aspect qui ne connaît ni hiérarchie ni évolution (akrama). En essence, Il reste toujours Le même, totalement et éternellement parfait. Vitarka est la perfection dans la compréhension, la prise de conscience : Je suis le Suprême Shiva, l’Unique, le Soi de tout. »
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(1/18) - La béatitude de loka est la béatitude du Samâdhi.
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« Loka (le monde) comprend à la fois le sujet et l'objet, l'observateur et l'observé, c'est-à-dire le sujet qui perçoit et l'objet perçu au travers des sens intérieurs et extérieurs. Conscient de la relation dans le temps entre le connaissant et le connu, le yogin en vient à réaliser, par le Yoga de la Connaissance, que l'observateur est l'observé et l'observé l'observateur. [...] Un tel homme n'a pas à se retirer dans une grotte ou une forêt perdue, pas plus qu'il n'a à se contraindre à garder les yeux fermés ou à retenir son souffle pour passer en Samâdhi inerte. Quoiqu'il fasse - qu'i mange ou boive, dorme ou veille, joue ou parle, qu'il goûte aux plaisirs des sens ou qu'il médite - il est toujours en état de Samâdhi naturel. Il vit dans une joie perpétuelle et spontanée. C'est la félicité de loka, l'extase du Samâdhi. »
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(1/21) - Quand la Connaissance Pure se révèle, on acquiert la maîtrise de tous les pouvoirs cosmiques.
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« L'homme qui a atteint la Connaissance Pure comprend que son essence profonde, Shakti, agit volontairement et librement et qu'il est Lui-même Parashiva. Il rejette l'illusion : « Je ne suis pas Shiva ». Dans cet état qui transcende l'esprit, sa vraie nature se révèle totalement. L'état de Shiva ou l'état Divin est la conscience parfaite du Soi intérieur et la réalisation d'être soi-même Shiva, l'Origine suprême, dans toute sa plénitude. Le Siddha se trouve dans cet état : il est au-delà de tout phénomène, fermement établi dans sa condition transcendante. La naissance, la mort, la pauvreté et la souffrance ne peuvent plus le toucher. Il s'est uni à jamais à Parashiva qui demeure dans les étendues infinies du Sahasrar. »
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(1/22) - On réalise la puissance du mantra dans la découverte de l'Océan Merveilleux.
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« [...] Parashakti reste toujours pure et détachée, bien qu'Elle reflète l'univers entier en Elle-même, comme un miroir reflète une image. Elle se manifeste partout mais son mystère est extrêmement difficile à percer. On l'appelle aussi l'Océan Merveilleux aux abysses insondables. Comme un océan qui reste toujours parfaitement calme bien qu'il contienne des rochers, des plantes et des montagnes dans ses profondeurs, la Conscience reste totalement inaffectée bien qu'Elle contienne le cosmos. Celui qui avance sur la voie spirituelle conscient de cette vérité expérimente la puissance du mantra. Faire l'expérience directe de Parashakti et ainsi, avoir le cœur débordant de béatitude infinie - c'est réaliser le pouvoir du mantra. »