Cinquième Upanishad du canon Muktika, appartenant à l'Atharva Véda et classée comme Upanishad majeure. (traduction : Gilles Farcet - Argel éditeur)
Brahma est l'âiné des dieux. C'est lui le créateur de tout qui , tout en demeurant caché maintient en vie sa création.
Au voyant Atharva il a révélé la connaissance de Brahman, il lui a fait connaître le plan absolu de l'existence, lui a donné cette connaissance qui est le fondement de toute connaissance.
Atharva l'a transmise au brillant Angir. Angir en a fait don à Satyavaha, fils de Bharadvaja le prompt. Et Satyavaha, celui qui dit la vérité, a transmis à Angiras le savoir et la Connaissance.
Il était une fois un homme de renon appelé Shaunaka qui vivait dans le monde.
Il alla trouver Angiras et lui demanda avec tout le respect requis :
"Maître, quelle est donc cette connaissance qui est la clef de l'omniscience ?"
"Ceux qui connaissent Brahman", répondit Angiras,
"ne confondent jamais savoir et Connaissance.
Savoir, c'est être versé dans les quatre Védas
- Rig, Sama, Yajur et Atharva - et dans les sciences connexes :
la phonétique, les rites, la grammaire, l'étymologie, la métrique et l'astrologie ;
connaître c'est faire directement l'expérience de l'Eternel.
L'Eternel est invisible, il dépasse l'entendement,
il n'a ni cause ni parties, il ne perçoit ni n'agit.
Non changeant et omniprésent, il imprègne tout.
Plus subtil que le plus subtil, il est l'Eternel
que les sages connaissent comme la source de tout.
Tout comme l'araignée tisse son fil avant de le ramener vers elle,
l'ensemble de la création est issu de Brahman puis retourne en son sein.
De même que les plantes prennent racine dans le sol,
c'est la sève de Brahman qui nourrit tous les êtres.
De même que sur nos têtes poussent tant de cheveux,
tout ce qui existe jaillit de Brahman.
De la profondeur de sa méditation, Brahman se déploit.
De cette expansion jaillit la force de vie.
De la force de vie naît l'Esprit universel.
L'Esprit engendre les éléments essentiels
à partir desquels se forment les mondes innombrables
et les différents plans dont ils se composent.
Ces mondes sont les royaumes de l'action
et c'est par l'action que l'immortalité nous devient accessible.
Du Brahman omniscient dont la méditation est sagesse infinie,
de ce sein silencieux est né le créateur Brahma
qui, de la force de vie en ébullition
a faconné la matière, le nom et la forme.
Telle est la vérité à propos du savoir et de la Connaissance.
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[...] Mais ces rites sont, en vérité, de périlleux vaisseaux qui ne peuvent parvenir à l'ultime rivage. Les sciences védiques, en effet, ne sont jamais que le savoir.Quant à ses ignorants qui vénèrent les Védas comme la connaissance suprême, ils sombrent une fois de plus dans la vieillesse et dans la mort.
Bien qu'ils s'estiment sages et savants, ils ne sont que des insensés, noyés dans leur propre ignorance, à la merci de la souffrance, errant de-ci de-là sans but, aveugles guidés par des aveugles.
Ces enfants ignorants, enchaînés par la dualité, croient leur périple terminé. Leurs désirs les aveuglent, et la vérité leur échappe. Ces âmes égarées, qui tiennent les rites et les vertus pour le bien le plus élévé, que pourraient-elles soupçonner de la connaissance suprême ? Bien qu'elles aient obtenu de jouir des délices du plus haut paradis, il leur faudra encore revenir en ce monde ou même rétrograder dans un monde inférieur.
Mais ceux qui demeurent en forêt, s'adonnant avec foi à la médidation, eux détiennent la vraie connaissance. Paisibles, vivant d'aumônes, libérés de tout attachement, ils franchissent le seuil du soleil, prenant ainsi congé du corps, et parviennent au Soi suprême, à l'immortel Esprit.
Jamais le vrai Brahmane ne se laisse séduire par ces royaumes obtenus grâce aux rites. Car nulle action ne peut nous valoir ce qui n'a pas été crée. Pour revevoir cette connaissance, il faut te rendre auprès d'un Maître, expert en écritures saintes mais aussi établi en Brahman.
A celui qui l'aborde torche en main, comme il convient, l'esprit calme et silencieux, que le Maître dispense la pleine connaissance du Brahman éternel ; par celle-ci on parvient à l'Esprit immortel qui est la Vérité.
Voici la Vérité.
Les étincelles, par milliers,
jaillissent du brasier.
Toutes sont différentes,
mais chacune cependant
demeure dans son essence
pleinement unie au feu.
C'est ainsi mon ami,
que naissent tous les êtres
de l'immortel Purusha
et en temps voulu
retournent en son sein.
Purusha est l'esprit cosmique,
sans forme mais resplendissant,
le Soi de l'univers,
Il est omniprésent
et Il demeure en tous
et jamais Il n'est né.
Exempt de la souillure
du souffle et du mental,
Il n'est même plus soumis
à une force quelconque
qui pourrait l'inciter
à revêtir une forme.
De Lui naissent le souffle,
l'esprit et puis les sens
et à leur tour l'éther,
l'air, la lumière et l'eau
et finalement la terre,
fondement de tout le reste.
Sa tête, c'est la lumière.
Le soleil et la lune Ses yeux.
L'espace lui sert d'oreilles
et les Védas de voix ;
le vent est Son souffle,
le monde entier Son coeur
et le sol Ses pieds.
C'est Lui, en vérité,
l'essence la plus subtile
de tout ce qui existe.
De Lui vient l'énergie
qui en se consumant
engendre le soleil.
Du soleil naît Soma
et de Soma la pluie.
De la pluie naissent les plantes
et toute nourriture.
S'en étant rassasié,
le mâle cherche une femelle
et lui donne sa semence.
C'est ainsi que Purusha
est l'aïeul de tout être vivant.
C'est de Lui que jaillissent
les hymnes et les chants,
les initiations et les rites,
le calendrier sacré
et le saint sacerdoce,
ainsi que de nombreux mondes
où l'âme se rend après la mort.
C'est de Lui que sont nées
toutes les déités,
les anges ainsi que l'homme,
les bêtes et les oiseaux
et le riz et le blé ;
Il a même créé
l'air que nous respirons.
De Lui viennent la méditation,
la stabilité, la pureté,
l'ordre ainsi que la Vérité.
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Deux oiseaux,
partenaires inséparables,
sont perchés sur le même arbre,
l'un mange le fruit
et l'autre le regarde.
Le premier des oiseaux
est notre moi individuel
qui se nourrit des joies
et des peines de ce monde.
L'autre est le Soi universel,
témoin silencieux de ce jeu.
Plongé dans le monde changeant,
le moi individuel, égaré,
déplore son manque de liberté.
Mais s'il découvre le Seigneur,
tout empreint de puissance
et plein de dignité,
il échappe à toutes ses souffrances.
Ainsi, lorsque le Seigneur se montera à toi,
baigné de lumière orée,
quand tu verras le créateur,
l'esprit universel qui est
la source de Brahma lui-même,
alors, goûtant le bien le plus élevé,
par delà le bien et le mal,
tu seras parvenu à ce stade suprême.
En vérité, Brahman est la vie même
qui resplendit en tous les êtres.
Les sages, qui Le connaissent,
ne peuvent parler que de Lui.
Quand à celui qui nage dans la félécité du Soi,
qui se délecte de son jeu
mais n'en mène pas moins
une vie très active,
celui-là est le plus grand
de tous ceux qui connaissent Brahman.